mardi 10 novembre 2009

Les femmes violées rapportent gros aux Ong

République démocratique Congo

(Syfia Grands Lacs/RD Congo) A Bukavu, une multitude d'Ong s'occupent aujourd'hui des femmes violées qui attirent de nombreux financements internationaux. Souvent cet argent enrichit plus les responsables d'association qu'il n'aide les nombreuses victimes…
"C’est seulement une infime partie de l’aide allouée aux victimes des violences sexuelles qui leur parvient", estime Salvator Mubalama, le responsable de Coalition des paysans producteurs agricoles pour le développement intégré (Copadi), de Kaniola, à l’ouest de Bukavu (à l’est de la RDC) où les viols ont été particulièrement nombreux. Et pourtant, les associations censées leur venir en aide sont légion. La Commission provinciale de lutte contre les violences sexuelles (CPLVS) regroupe 155 Ong locales, d'autres n’appartiennent à aucun collectif et plus de dix Ong internationales financent des activités dans ce domaine, "parce que les viols perpétrés en RDC ont stimulé la solidarité internationale et suscité la compassion pour les victimes", reconnaît Cyprien Birhingingwa, président de la Société civile du Sud-Kivu.

Un secteur lucratif
C'est ainsi que ceux qui interviennent dans ce domaine s'enrichissent parfois rapidement, dénonce Jean Mwilarhe, membre de l’Ong des droits de l’homme Reprodhoc/Sud-Kivu : "Des responsables locaux d’Ong internationales qui interviennent dans des activités d'aide sur les violences faites à la femme, créent leurs propres associations, mais les financements ne parviennent pas aux victimes". "Elles dilapident les fonds destinés aux femmes violées dans des dépenses d’administration des projets, scandaleuses aux yeux des victimes", ajoute S. Mubalama. "Une Ong internationale a fait le trajet Bukavu-Walungu, deux fois par mois pendant 6 mois, ce qui a consommé environ 1800 $ outre les frais de séjour, pour faire le suivi d'un microcrédit de 2 000 $, soit 20 $ remis à chacune des cent femmes violées pour leur réinsertion économique", s'étonne-t-il.
"Comme beaucoup de fonds y sont consacrés et que le gouvernement n’a pas dicté une politique d’intervention des Ong, certaines d'entre elles changent tout simplement d'activité et s’impliquent dans la prise en charge des femmes violées", regrette Anne Chirume, une analyste. Le secteur regorge ainsi d'amateurs et d'opportunistes. "La majorité ne sont pas formés pour ce délicat travail qui engage la vie des femmes", se plaint Adèle Kagarabi , présidente de la CPLVS.
Cependan
t, d’autres Ong sont convaincues qu’il n’est pas nécessaire d’attendre des financements extérieurs pour venir en aide aux victimes. Elles font un travail remarquable avec des moyens très limités et dans des lieux où les grandes institutions n’arrivent pas. "Le 12 et le 16 juin, nous avons consulté et soigné dans notre clinique mobile, 37 femmes et 20 fillettes violées à Izege et Mwirama/Walungu (à 145 km à l’ouest de Bukavu). Il y a 4 ans, elles n’avaient reçu que des premiers soins, puis ont été abandonnées jusqu’à ce jour", déclare Paul Ramazani, coordinateur de Fondation Rama-Levina, une association locale de dix personnes dont quatre médecins qui interviennent grâce aux cotisations des membres.

Des aides diverses
Les victimes des viols sont, elles, convaincues que de l'argent est versé pour elles aux Ong qui viennent leur parler. Mais elles n'en reçoivent pas toujours, constate Gisèle Faida, chargée de programme du Collectif des femmes agissant en synergie (Cofas). Pour justifier leurs dépenses, les Ong présentent des statistiques qui sont loin de la réalité.
Certaines femmes profitent aussi de la multiplication de ces Ong. Comme les déplacées sont nombreuses, de vraies ou fausses victimes de viol arrivent à se faire enregistrer plusieurs fois "pour profiter des petites aides qui nous sont destinées", confie N. L., l'une d'elles qui ne cache pas ses raisons d'agir ainsi, "parce qu’ils s’enrichissent grâce à notre souffrance".
"Les bienfaiteurs nous envoient des aides multiformes : nous remonter le moral, faciliter une activité économique une fois rentrée dans la communauté, payer les soins médicaux des femmes violées malades et accompagner le dossier judiciaire des victimes qui portent plainte", déclare une victime, sous anonymat.
Selon un responsable de Family health International (FHI) qui préfère taire son nom, "les victimes des viols qui se plaignent de ne pas être bien considérées, ignorent le volume de l’assistance qui leur est destinée. Au FHI, nous payons les frais de l’accompagnement psychologique puis le déplacement et le séjour de la victime".
Pour attaquer le mal à la racine, Uwaki (Union des femmes paysannes du Sud-Kivu), en collaboration avec d’autres associations, a choisi de faire de la prévention à travers une campagne "Nous pouvons mettre fin aux violences faites à la femme".

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