jeudi 6 mai 2010

Extrait du discours de Patrice LUMUMBA à la jeunesse congolaise

          En m'adressant aujourd'hui à la jeunesse de ce pays, je m'adresse eux générations futures, car l'avenir de notre pays appartient à cette jeunesse. C'est pour la préparer à un avenir meilleur, un avenir heureux que nous connaissons tous les ennemis actuels.

          Si nous étions égoïstes, nous ne pourrions pas nous imposer les innombrables sacrifices qui sont aujourd'hui les nôtres.

          Je sais que ce pays ne pourra être libéré complètement des chaînes du colonialisme, tant sur le plan politique et économique qu'intellectuel, qu'au prix d'une lutte acharnée, parfois périlleuse. Cette lutte contre la domination étrangère, contre l'exploitation mercantile, contre l'injustice et l'oppression, nous l'avons menée avec la jeunesse populaire de ce pays.

          Longtemps endormie, exploitée, elle a compris son rôle de porte-drapeau d'une révolution pacifique.

          Dans les villes, dans les villages, dans les campagne, la jeunesse populaire du Congo a lutté à nos côtés. Beaucoup de nos jeunes sont tombés sous les balles des colonialistes. Beaucoup ont abandonné leurs parents, leurs camarades pour une lutte héroïque pour la liberté.

          Le 4 janvier à Léopoldville et le 30 octobre à Stanleyville, beaucoup de jeunes gens avaient opposé une résistance digne d'éloges aux agresseurs. C'est avec émotion que je m'incline devant les souvenirs de ces courageux patriotes, combattants de la liberté africaine. Le temps n'est pas loin où les jeunes gens et jeunes filles de ce pays étaient massivement renvoyés de leur école parce que les maîtres blancs les suspectaient d'avoir des idées nationalistes. Beaucoup, pourtant brillants, se sont vus privés du bénéfice de l'instruction supérieure, pour la simple raison qu'ils ne voulaient plus subir l'endoctrinement colonialiste. Ils voulaient faire de nos jeunes leurs éternels serviteurs.

          Au sein de la lutte héroïque menée par les nationalistes congolais, la jeunesse, même celle qui était sur les bancs de l'école, avaient opposé un non catégorique à toute nouvelle forme de colonialisme, qu'il soit politique, social, intellectuel ou spirituel. Son seul rêve était la libération nationale, son seul objectif l'indépendance immédiate, sa seule détermination la lutte acharnée contre les émissaires et marionnettes du colonialisme.

          Grâce à la mobilisation générale de toute la jeunesse démocratique du Congo, les nationalistes congolais ont conquis victorieusement, au prix d'une lutte acharnée, de privations, de pleurs et de sang, l'indépendance de la Nation congolaise.

          Après la date historique du 30 juin, où le peuple congolais a dit " non " au colonialiste belge lors de la proclamation solennelle de l'indépendance, le 30 juin 1960, les colonialistes et leurs émissaires noirs ont déclenché une guerre barbare à la jeune République du Congo. Ils nous ont agressés, parce que le gouvernement nationaliste actuellement au pouvoir n'a plus voulu qu'ils exploitent ce pays comme ils le faisaient avant.

          Désormais sans soutien, en particulier de la classe ouvrière qui ne veut plus qu'on l'exploite, les colonialistes et leurs collaborateurs essaient maintenant d'utiliser une certaine jeunesse pour mener leur propagande de reconquête coloniale. C'est ainsi que certains jeunes gens, heureusement peu nombreux, se livre à une entreprise de démobilisation nationale. Mais, dans leur grande majorité, les jeunes ont compris à temps cette tentative des impérialistes d'utiliser les aigris, ceux qui ont échoué aux élections parce qu'ils n'avaient pas confiance dans le Peuple. Ils ont défilé récemment dans les différentes villes de la République pour marquer son opposition radicale, totale et complète aux intrigues impérialistes.

          Jeunesse, je vous salue, je vous félicite pour votre sens civique et patriotique.   

          Pour vous j'ai créé un ministère de la Jeunesse et des Sports. C'est votre ministère. Beaucoup d'entre vous, sans distinction, seront appelés à diriger ce ministère et ses différents services.

          Aujourd'hui, dans ce Congo libre et indépendant, il ne doit plus y avoir une jeunesse Abako, une jeunesse Mukongo, une jeunesse Batetela... Il doit y avoir une seule jeunesse : la jeunesse congolaise, nationaliste et démocratique, au service de la révolution sociale et économique de notre cher et grand pays.

          Vous devez combattre énergiquement le tribalisme, qui est un poison, un fléau social qui fait le malheur de ce pays.

          Vous devez combattre les manœuvres séparatistes que certains prophètes de la politique de division tentent d'inculquer à des jeunes naïfs sous le nom de " fédéralisme ", de " fédération " ou de " confédération ". Ces mots n'ont été créés que pour diviser la jeunesse militante et combattante et de mieux l'exploiter.

          Si vous ne vous opposez pas à ces manœuvres, à cette nouvelle forme déguisée de colonisation, votre avenir sera brisé.

          Votre fierté doit d'être d'appartenir à une grande Nation, à une grande puissance. Ce grand pays, qui suscite encore l'envie des impérialistes, s'incarne dans l'unité nationale. Cette unité, vous la laisserez à vos enfants en héritage.

          Le Gouvernement enverra bientôt trois cents jeunes aux États-unis, cent cinquante en Union soviétique, vingt en Guinée, d'autres dans d'autres pays. Le Congo n'est ni un parc national, ni un jardin zoologique dont vous ne pouvez sortir. Demain vous irez partout apprendre, vous spécialiser, connaître le monde. Les ouvriers, les travailleurs participeront à des stages, à des voyages d'étude. Vous irez partout de part le monde.

          Ces confrontations, ces contacts avec l'extérieur feront de vous les hommes expérimentés dont le Congo libre et indépendant a besoin.

          Là où vous irez, vous ne représenterez pas la jeunesse Abako, PUNA, MNC, CEREA, mais, citoyens congolais, vous représenterez le pays tout entier et vous devrez, par votre maturité politique, faire l'honneur de votre patrie.

          Jeunesse, le Congo vous appartient !

          Le gouvernement au pouvoir, le gouvernement nationaliste, le gouvernement populaire fera tout pour que l'on ne vous arrache pas le Congo.

          Vive la République du Congo !

          Vive la Jeunesse populaire démocratique !

Extrait de son discours à la jeunesse congolaise - Août 1960.