mercredi 21 octobre 2009

Au revoir la démocratie, bonjour la dictature !


Par Christophe Bintu

Ces derniers temps, il se produit un phénomène régressif en Afrique noire. Une fois le vieux tyran disparu, c’est le fils qui lui succède. L’exercice du pouvoir en Afrique redevient, petit à petit, une royauté officieuse, recréée artificiellement avec les instruments de la démocratie.
Pour succéder à son papa, en effet, pas besoin de diplômes ou de compétences. Deux méthodes sont possibles : soit on organise les élections fort peu transparentes, libres et démocratiques (cas du Togo, du Bénin et, tout récemment, du Gabon), soit le « fils de » s’impose, comme investi d’un droit naturel.
Ce fut le cas en République démocratique du Congo. Quand, le 26 janvier 2001, Joseph Kabila débarque et prend les rênes du pays, sans fanfare, sans prestige, mais avec l’appui des instances internationales qui lui imposent quatre vice-présidents très contestables, pour gérer, pour une période « transitoire » la vie de plus de soixante millions d’âmes.
À l’issue de cette période transitoire, cinq ans plus tard, les premières élections libres, transparentes et démocratiques sont organisées et Joseph Kabila est élu président de la République avec 58 % des voix. L’espoir était alors né ! Le président nouvellement élu, débarrassé de ses acolytes, dévoile son plan de reconstruction et énonce les cinq chantiers auxquels il veut s’attaquer prioritairement (infrastructures, santé et éducation, eau et électricité, logement et emploi). Tout le monde applaudit ! Les mamans chantent et dansent pour Joseph Kabila.
Trois ans plus tard et à deux ans des prochaines échéances électorales, Kabila expérimente le dicton qui dit : « l’appétit vient en mangeant » et prend l’initiative de modifier la constitution afin se maintenir au pouvoir, bien qu’il n’ait pas tenu ses promesses électorales.
L’information vient de la Radio France International. La commission d’ « évaluation de la Constitution » mise en place par le président Kabila pour aboutir à réviser plusieurs dispositions constitutionnelles parmi lesquelles le mandat du chef de l’Etat et le découpage territorial. Cette commission est composée d’une dizaine de membres, représentant la Présidence, la Primature, l’Assemblée, le Sénat et la Cour suprême de justice. Cette commission qui a commencé à se réunir opère apparemment dans la plus grande discrétion.
Selon plusieurs sources, elle réfléchit à la modification de trois dispositions constitutionnelles. La première viserait à renoncer à mettre en place les quinze provinces supplémentaires prévues par la Constitution d'ici mai prochain. La deuxième s'intéresse au mandat présidentiel, actuellement fixé à cinq ans et renouvelable une seule fois, qui passerait à sept ans et serait renouvelable… autant que de vouloir. La troisième et dernière modification permettrait au président de la République de siéger au Conseil supérieur de la magistrature.
Sur ces deux derniers points, la Constitution interdit tout projet de révision. L'article 220 est clair. Il stipule que le nombre et la durée des mandats du président de la République et que l'indépendance du pouvoir judiciaire ne peuvent faire l'objet d'aucune révision constitutionnelle.
La Commission va-t-elle passer outre ? En tout cas, fait plutôt surprenant, deux magistrats de la Cour suprême de justice (CSJ) participent au projet. La Cour constitutionnelle n'ayant toujours pas été installée, c'est la CSJ qui est habilitée à statuer sur la constitutionalité ou l'anti-constitutionalité de telles propositions. Interrogé par RFI, le président de la Cour a déclaré qu'il n'était, à ce jour, pas informé de tels projets, non plus que d’une quelconque participation d’un membre de la CSL à un groupe de réflexion en vue d’une réforme de la Constitution.
Le prix payé pour arriver à cette démocratie aujourd’hui menacée, raisonne encore dans nos têtes. Nul besoin de rappeler que la lutte pour le pouvoir a  poussé des êtres sans scrupules à massacrer cruellement plus de cinq millions de Congolais. Modifier la Constitution congolaise dans le but de se maintenir longtemps au pouvoir, n’est ni plus ni moins, aller dans le sens contraire des intérêts suprêmes de la Nation congolaise et de la démocratie en Afrique. Nous invitons Joseph Kabila à choisir la voie de la sagesse et à s’en tenir aux déclarations tenues il y a quelques temps dans la presse dans lesquelles il affirmait ne pas vouloir se représenter à l’issue de ce mandat.
En montrant à tous, Occidentaux et Africains, la voie de la sagesse et du respect des lois et des institutions, il fera figure d’exemple. Nul doute alors qu’il pourra bénéficier, dès son retrait des plus hautes responsabilités du pays, qu’il pourra bénéficier du prix de la bonne gouvernance en Afrique, qui assurera à cet homme encore jeune une confortable retraite à vie et qui, cette année, n’a pas pu être décerné, faute de candidat méritant !


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire