vendredi 18 décembre 2009

Rapport de circonstances sur l'assaut du Monastère de Murhesa


Grand Séminaire de Murhesa
Théologat Saint Pie X
BP 2563 Bukavu

Objet : Rapport de circonstances
sur l’assaut du Monastère de Murhesa.

A son Excellence Monseigneur
le Nonce Apostolique de Kinshasa

Excellence,

Après l’assaut de la paroisse de Kabare, dans la nuit du 5 au 6 décembre 2009, à l’issu duquel on a tué l’Abbé Daniel Cizimya, ce soir, 7 décembre, c’est le tour du Monastère des Trappistines de Murhesa.

Quand la Communauté, à 19 h 30, a entendu des cris et des coups de feu et qu’elle s’est réfugiée au dortoir, la Mère Abbesse m’a tout de suite avisé par téléphone. J’ai saisi sans tarder Mgr l’Archevêque, l’abbé Justin Nkunzi, chargé de la commission Justice et Paix dans l’archidiocèse, les voisins et les unités militaires les plus proches, par le truchement des sœurs Filles de la Résurrection.

D’après les témoins de l’affaire, qui étaient des hôtes du monastère, la Sœur chargée de l’accueil, Sœur Denise Kahambu, qui a été tuée ensuite, a aperçu derrière elle trois hommes, qu’elle ne reconnaissait pas parmi les hôtes qu’elle avait à l’hôtellerie. Ils l’ont rencontré dans son bureau. Tout de suite, elle a couru vers le réfectoire des hôtes. Les assaillants l’ont rejointe et ont demandé : « Où se trouve le prêtre ? » Ils ont dit aussi de donner de l’argent.

Une femme parmi les hôtes a témoigné : lorsqu’elle a entendu les cris de la sœur, et qu’elle a vu un homme en armes courir derrière elle, elle s’est enfermée dans sa chambre. Les autres hôtes ont affirmé que les assaillants n’avaient pas de véhicule. Ils en ont vu trois. Les hommes ont dit deux choses : qu’on leur montre où est le prêtre et d’amener l’argent. Ils ont ravi quatre téléphones des hôtes.

La maman (parmi les hôtes) qui nettoyait les assiettes, a entendu le bruit. Elle est sortie dehors. Le militaire, qui venait de tuer la sœur, lui a demandé aussi de l’argent.Quand elle a déclaré qu’elle n’avait rien, un des assaillants a tiré sur les jambes de la maman, mais la balle est passée à côté. Et c’était la dernière balle tirée. Mais la sœur était déjà morte, couchée dans un bain de sang. Quand la maman a crié fort, le tout dernier assaillant est parti.

Déjà auparavant, d’après les hôtes et la sœur du magasin, il y a eu des gens suspects vers 18 heures (au coucher du soleil). Et d’après la sentinelle du monastère, les assaillants sont entrés nombreux, non pas par la porte principale, mais par derrière.Quelques minutes après l’attaque, la Mère Abbesse m’a rappelé pour me dire que Sœur Denise était grièvement blessée, et si je pouvais venir la prendre d’urgence pour la porter au centre hospitalier. L’Abbé François d’Assise, directeur spirituel du théologat Saint-Pie X, est allé avec le chauffeur chercher deux militaires à Mudaka (5 km du séminaire). Ils sont venus tout de suite au Monastère. Ils ont rencontré en route d’autres militaires venant de Bukavu. Puis ils sont revenus immédiatement pour me dire que la Sœur n’était plus. Alors nous sommes venus au Monastère, moi-même Recteur du théologat, l’Abbé Econome, le Directeur spirituel, le chauffeur et quelques sentinelles du séminaire. Nous sommes arrivés au même moment que la Police Nationale. Ils ont commencé à faire les constats préliminaires. La MONUC est arrivée ensuite. Elle a fait rapidement son constat et elle est partie. Il n’y avait plus rien à faire pour eux.Les vrais constats ont commencé avec l’arrivée du Vice-gouverneur sur les lieux 30 minutes après.

L’aumônier Père Bernard Oberlin (trappiste comme les sœurs) témoigne d’autre part : il venait de fermer la porte de l’Eglise, du côté extérieur (19 h 30), est passé dans la maison de l’aumônerie, puis à l’atelier pour vérifier le tableau électrique avant d’éteindre  le groupe électrogène. Il a alors entendu un sifflement anormal, a cru que cela venait du moteur et a éteint alors le contact électrique. Entendant que le sifflement cessait, il a compris que c’était la sirène du Monastère et a rallumé. Il est allé faire le tour du cloître par l’intérieur, pour comprendre ce qui se passait. Comme tout était éclairé et aucune sœur dans les pièces visitées, il a compris qu’il y avait une attaque (c’est la quatrième depuis la guerre de 96). C’est alors que, rentrant à l’aumônerie, il a reçu un coup de téléphone de la Mère Abbesse, qui lui disait de venir se protéger avec toutes les sœurs dans le dortoir du cloître. – Il y a un autre dortoir, qui avait aussi fermé ses portes et ses grilles.

Dans le dortoir fermé, les sœurs s’asseyaient par terre dans le couloir pour éviter de recevoir éventuellement une balle par une fenêtre de cellule. La Mère Abbesse et d’autres sœurs me téléphonaient au théologat tout proche. La Mère Abbesse a appris la mort de la Sœur Denise par le téléphone d’un des hôtes, qui s’était caché. D’autres échanges téléphoniques ont eu lieu avec l’évêque et d’autres personnes.

Durant tout ce temps, les Sœurs priaient le chapelet et le Psaume 129 « De profundis » pour leur sœur défunte et pour toute la communauté.Vers 21 h 30, je suis venu avec les confrères avertir les sœurs enfermées qu’elles peuvent sortir du dortoir.

La Nonciature Apostolique de Kinshasa, le Secrétaire de la Conférence Episcopale Nationale, le Gouverneur de la Province du Sud-Kivu, le Ministre Katintima et l’ancien Procureur de la République, ainsi que presque toutes les communautés diocésaines (prêtres, religieux, religieuses) m’ont appelé au téléphone ce soir, pour savoir ce qui s’est passé.

En partant, le Vice-Gouverneur m’a assuré qu’ils continueraient les enquêtes, et, avec le Major de la Police, ils ont décidé de laisser quelques policiers.Voilà comment les choses se sont passées.


 Veuillez agréer, Excellence, l’expression de ma profonde communion en Eglise.
Fait à Murhesa (au Monastère) le 8 décembre 2009 à 0 h 50.
Abbé Bunyakiri Mukengere Crispin

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire