Grand Séminaire de Murhesa
Théologat Saint Pie X
BP 2563 Bukavu
Objet : Rapport de circonstances
sur l’assaut du Monastère de Murhesa.
A son Excellence Monseigneur
le Nonce Apostolique de Kinshasa
Excellence,
Après l’assaut de la paroisse de Kabare, dans
la nuit du 5 au 6 décembre 2009, à l’issu duquel on a tué l’Abbé Daniel Cizimya, ce soir, 7 décembre, c’est le tour du Monastère des
Trappistines de Murhesa.
La maman (parmi les hôtes) qui
nettoyait les assiettes, a entendu le bruit. Elle est sortie dehors. Le
militaire, qui venait de tuer la sœur, lui a demandé aussi de l’argent.Quand elle
a déclaré qu’elle n’avait rien, un des assaillants a tiré sur les jambes de la
maman, mais la balle est passée à côté. Et c’était la dernière balle tirée.
Mais la sœur était déjà morte, couchée dans un bain de sang. Quand la maman a
crié fort, le tout dernier assaillant est parti.
Déjà auparavant, d’après les hôtes
et la sœur du magasin, il y a eu des gens suspects vers 18 heures (au coucher
du soleil). Et d’après la sentinelle du monastère, les assaillants sont entrés
nombreux, non pas par la porte principale, mais par derrière. Quelques minutes après l’attaque, la
Mère Abbesse m’a rappelé pour me dire que Sœur Denise était grièvement blessée,
et si je pouvais venir la prendre d’urgence pour la porter au centre
hospitalier. L’Abbé François d’Assise, directeur spirituel du théologat
Saint-Pie X, est allé avec le chauffeur chercher deux militaires à Mudaka (5 km
du séminaire). Ils sont venus tout de suite au Monastère. Ils ont rencontré en
route d’autres militaires venant de Bukavu. Puis ils sont revenus immédiatement
pour me dire que la Sœur n’était plus. Alors nous sommes venus au Monastère,
moi-même Recteur du théologat, l’Abbé Econome, le Directeur spirituel, le
chauffeur et quelques sentinelles du séminaire. Nous sommes arrivés au même
moment que la Police Nationale. Ils ont commencé à faire les constats
préliminaires. La MONUC est arrivée ensuite. Elle a fait rapidement son constat
et elle est partie. Il n’y avait plus rien à faire pour eux. Les vrais constats ont commencé avec
l’arrivée du Vice-gouverneur sur les lieux 30 minutes après.
L’aumônier Père Bernard Oberlin
(trappiste comme les sœurs) témoigne d’autre part : il venait de fermer la
porte de l’Eglise, du côté extérieur (19 h 30), est passé dans la maison de
l’aumônerie, puis à l’atelier pour vérifier le tableau électrique avant d’éteindre le groupe électrogène. Il a alors entendu un
sifflement anormal, a cru que cela venait du moteur et a éteint alors le
contact électrique. Entendant que le sifflement cessait, il a compris que
c’était la sirène du Monastère et a rallumé. Il est allé faire le tour du
cloître par l’intérieur, pour comprendre ce qui se passait. Comme tout était
éclairé et aucune sœur dans les pièces visitées, il a compris qu’il y avait une
attaque (c’est la quatrième depuis la guerre de 96). C’est alors que, rentrant
à l’aumônerie, il a reçu un coup de téléphone de la Mère Abbesse, qui lui
disait de venir se protéger avec toutes les sœurs dans le dortoir du cloître. –
Il y a un autre dortoir, qui avait aussi fermé ses portes et ses grilles.
Dans le dortoir fermé, les sœurs
s’asseyaient par terre dans le couloir pour éviter de recevoir éventuellement
une balle par une fenêtre de cellule. La Mère Abbesse et d’autres sœurs me téléphonaient
au théologat tout proche. La Mère Abbesse a appris la mort de la Sœur Denise
par le téléphone d’un des hôtes, qui s’était caché. D’autres échanges
téléphoniques ont eu lieu avec l’évêque et d’autres personnes.
Durant tout ce temps, les Sœurs
priaient le chapelet et le Psaume 129 « De profundis » pour leur sœur
défunte et pour toute la communauté. Vers 21 h 30, je suis venu avec les
confrères avertir les sœurs enfermées qu’elles peuvent sortir du dortoir.
La Nonciature Apostolique de
Kinshasa, le Secrétaire de la Conférence Episcopale Nationale, le Gouverneur de
la Province du Sud-Kivu, le Ministre Katintima et l’ancien Procureur de la
République, ainsi que presque toutes les communautés diocésaines (prêtres,
religieux, religieuses) m’ont appelé au téléphone ce soir, pour savoir ce qui
s’est passé.
Veuillez agréer, Excellence,
l’expression de ma profonde communion en Eglise.
Fait à Murhesa (au Monastère) le 8
décembre 2009 à 0 h 50.
Abbé Bunyakiri Mukengere Crispin
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